Les petits rats de l’opéra
Géo ado 2013
« Un petit rat de l’Opéra / Trottinait, à tout petits pas, sur l’avenue de l’Opéra, / Une Victoria, jaune cédrat / Tirée par un ch’val à poil ras, soudain, lui emboîta le pas ; Y avait dedans un vieux galant / Qui retira son panama, lui murmura des mots tout bas. Le petit rat n’ répondit pas, Pressa le pas, puis s’engouffra dans l’Opéra. »
Vous avez reconnu la voix de Suzy Solidor dans la chanson Le Petit rat, qui date de 1947, et qui nous apprend qu’on dit Un Petit rat, au masculin, alors que c’est pourtant une jeune fille. Les « petits rats » sont les élèves de l’Ecole de danse de l’Opéra, et la moitié sont des filles. Pourquoi cette appellation antinomique ?
Alors que l’opéra abrite l’élégance, la légèreté, la féminité, le tutu rose et ballerines assorties, le rat évoque la noirceur, la fange, les égouts, l’avarice, le cynisme, en un mot, la peste.
On trouve la première trace de cette expression au XIXe siècle, sous la plume de Nestor Roqueplan, un journaliste pétri de sens de l’humour. L’usage vient, selon lui, de ce que les petits danseurs -et danseuses- adoptaient des comportements faisant penser à un groupe de jeunes rongeurs.
A la naissance de ce terme, l’Opéra Garnier n’existait pas encore
Les représentations avaient lieu dans différents théâtres parisiens. On pouvait voir dans les couloirs de ces lieux, des enfants de moins de 14 ans, souvent petits et maigrichons, courir à droite et à gauche pour grappiller de la nourriture.
C’était un temps où l’on ne portait pas une grande attention aux enfants. Ils avaient l’habitude de rester en groupe, pour faire corps… d’où l’analogie avec les petits rats.
Nestor Roqueplan les décrit ainsi dans son ouvrage, Les Coulisses de l’Opéra (1856) :
« Le rat est élève de l’école de danse, et c’est peut être parce qu’il est enfant de la maison, parce qu’il y vit, qu’il y grignote, y jabote, y clapote, parce qu’il ronge et égratigne les décorations, éraille et troue les costumes, cause une foule de dommages inconnus et commet une foule d’actions malfaisantes occultes et nocturnes, qu’il a reçu ce nom passablement incroyable de rat. »
Les rats n’ont pas quitté le navire, mais l’École de danse de l’Opéra se situe maintenant à Nanterre, et non plus dans les murs de l’Opéra Garnier.
Tout se perd, ma bonne dame, tout se perd.
Jusqu’à preuve du contraire…